Témoignage de Louise
Les troubles alimentaires se sont très progressivement immiscés dans mon quotidien.
S’ils ont surgit il y a 2 ans et demi dans ma vie (mars 2018), ils ont rôdé autour de moi bien longtemps. Alors que j’ai toujours été plutôt mince, j’ai toujours complexé, voulu être plus fine encore. Certes, je suivais des critères physiques dictés par les media : les femmes minces me paraissaient plus élancées, mais je pense que c’était avant tout un manque de confiance en moi. Je ne voulais pas prendre trop de place, mais aussi paraître parfaite, lisse.
Il y a deux ans et demi, le garçon avec qui j’étais alors est parti pour un long voyage. Je me suis alors sentie délaissée, puis punie de devoir rester là où j’avais toujours habité, quand je rêvais de voyage et d’aventure. J’ai d’abord commencé à faire un régime, sans jamais commettre d’écart. Manger le moins possible est très vite devenu une obsession, alors que j’avais toujours été gourmande malgré la culpabilité qui avait toujours accompagné mes repas.
Je me suis alors mise, sans non plus mépriser ceux qui se nourrissaient normalement, à me sentir supérieure, grâce au contrôle que j’opérais sur mon assiette.
En fait, mon assiette était une des seules choses que je parvenais alors à maîtriser.
Mes parents s’étaient séparés récemment, mes goûts changeaient, mes amis parfois aussi.
J’avais peur de devenir une femme, d’assumer mon corps et ses formes.
Après un été à me restreindre, alors que personne ne remarquait et que tout le monde complimentait mon « dépouponnage », je suis rentrée en classe préparatoire.
Travailler est d’un coup devenu une obsession de plus. J’ai voulu faire encore plus qu’on nous demandait et je me suis aussi mise au sport.
A lire : Quelle est la différence entre sport et activité physique ?
Dès Noël, je n’avais plus mes règles. J’ai quitté mon petit ami : ne pouvant plus me regarder dans un miroir, comment pouvais je alors laisser autrui me voir et me toucher? Bien que je continuais à prendre trois repas par jour, je ne changeais strictement jamais de menu, diminuant toujours les proportions :
une biscotte le matin, une salade pour le déjeuner, toujours la même, une soupe le soir.
La faim comme une drogue
Elle me permettait de tenir contre le manque de sommeil, le surplus de travail, la dépression. Je me sentais surhumaine. Mais très vite, cette énergie débordante s’est transformée et est devenue néfaste. Je me suis recroquevillée sur moi même, ne pouvait plus voir les autres. Plus un vêtement ne m’allait, mais j’étais toujours plus heureuse de voir que je perdais du poids.
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, j’ai très rapidement été consciente de mon anorexie mentale. Je choisissais, dans une logique de contrôle, de manger toujours moins. Bizarrement, c’est aussi cette conscience du danger, voire de la mort, qui me fascinait.
Ma mère, avec qui je ne m’entendais plus du tout depuis que mon anorexie avait commencé, a très vite voulu prendre les devants.
J’ai vu de nombreux psychologues. Je leur mentais, je jouais d’eux et j’en étais fier.
Puis on m’a emmenée dans une clinique, où on m’a menacée d’hospitalisation. Puisque j’étais passionnée par mes études, j’ai tenté de reprendre un peu de poids, ce qui fut facilité par les vacances. Ce n’est en effet plus moi qui gérait mes repas.
C’est à Noël 2019 que tout s’est accéléré : en 3 mois, j’ai perdu 10 kilos alors que j’étais déjà beaucoup trop maigre.
J’ai fini par aller chez mes grands parents, parce que j’avais pris conscience que je ne pouvais plus m’occuper de moi ni me faire confiance. Ils se sont occupés de moi comme si j’étais à l’hôpital.
Et puis, le confinement est arrivé … Je n’avais plus le choix de rester à la maison, et de prendre soin de moi.
Une conversation avec ma tante, ayant souffert d’anorexie, a été le déclic. Elle m’a prévenue que petit à petit, j’allais m’isoler et que plus personne ne pourrait m’aider.
Ce jour là, j’ai parlé à mes proches et je me suis appliquée à guérir.
Mais comment faire, alors que je ne savais même plus comment s’alimentait une personne en bonne santé?
Le combat
J’ai passé un contrat avec ma mère, qui savait ce qu’il me fallait puisque c’est elle qui m’a élevée. C’est elle qui servait mes assiettes, et je me devais de les finir. Au début, cela a été plus que difficile. J’avais toujours l’impression que c’était trop, qu’elle voulait que je sois malade ensuite. Mais je n’avais pas le droit de la contredire, d’autant plus qu’elle me donnait souvent le choix, avant de préparer le repas. Petit à petit, à force de cuisiner avec elle, je suis devenue de plus en plus curieuse de nouveaux goûts, de nouvelles textures. Sans même que je m’en rende compte, elle ajustait les proportions petit à petit, pour que mon estomac reprenne une taille normale. Elle aussi s’est mise à faire des gâteaux. Au début, je les refusais : j’avais déjà pris un repas complet, je remangeais la plupart des aliments que j’avais banni (pain, féculent, pommes de terres, viande,…), il fallait y aller doucement!
Mais je me suis donné du temps : cela avait l’air tellement bon que j’ai commencé par seulement goûter de petits morceaux. Et puis progressivement, j’ai eu envie de plus.
La progression est souvent douce, il faut savoir se donner du temps et ne pas trop se mettre la pression.
Feeleat a joué un rôle dans ma guérison
Pour cela, l’application Feeleat m’a beaucoup aidée. En effet, je notais tous mes repas ainsi que mes émotions. Lorsque je commençais à culpabiliser, voire à faire une crise d’angoisse, je comparais avec les jours précédents où je n’avais pas été angoissée. Je me rendais souvent compte que j’avais déjà mangé la même chose, voire plus, tout en me sentant bien! Si j’avais été capable de le faire, et que rien de grave ne s’était passé par la suite, il ne devait donc pas y avoir de problème. Le confinement me permettait aussi d’avoir du temps, pour penser à autre chose qu’à la maladie : au lieu d’angoisser, pourquoi ne pas regarder un film, faire du Yoga, ou écouter de la musique en dansant? Prendre du temps pour soi paie toujours.
Feeleat m’a aussi aidée pour me donner du courage. Même dans les jours plus compliqués, je pouvais me rendre compte que oui, je progressais. En effet, les crises d’angoisses devenaient de moins en moins fréquentes. Au contraire, les moments où je me sentais fière étaient de plus en plus nombreux. Et puis un jour, j’ai oublié de remplir l’application. Tout comme le lendemain, le surlendemain, et ainsi de suite. Je ne pensais même plus à contrôler mon alimentation. J’avais réappris à manger, et surtout à prendre du plaisir.
Le bilan
Aujourd’hui je me considère comme quasiment guérie. Il y a deux jours, mes règles sont revenues, et je n’ai jamais été aussi fière de moi.
Parfois, quand je suis contrariée, j’ai l’impression d’avoir une boule dans la gorge qui m’empêche de manger. Alors, je me force.
Je fais du sport pour être bien dans mon corps, sans en faire trop non plus, mais pour me remuscler. C’est tout aussi important pour le corps que pour l’esprit, d’ailleurs. En fait, j’essaie d’écouter les envies de mon corps, d’être plus à l’écoute. Le Yoga permet par exemple de se recentrer, d’écouter, et de mieux recommencer ensuite.
La cuisine m’aide aussi beaucoup. Je vais souvent au marché, ou faire les courses. Je choisis des produits qui me plaisent et qui m’inspirent. Je cuisine beaucoup, parce que cela me permet de partager avec les autres. Les repas sont redevenus des moments conviviaux, je ne me pose plus la question des calories. Je mange ce qui me fait plaisir et de quoi prendre des forces.
Pour continuer d’avancer, j’écris beaucoup également. Cela me permet de mettre des mots sur ce que je ressens pour mieux progresser.
Quelques conseils
Accepter la vie est un challenge encore plus important que celui de tenir, de manger toujours moins, de disparaître. Mais ce challenge en vaut la peine, je vous le promets. Je pense que chacun de nous est partagé entre des pulsions de vie et des pulsions de mort. Si la proximité avec la mort qu’entraîne l’anorexie peut être vertigineuse, voire même séduisante, ce n’est rien par rapport à ce que la vie offre.
Commencez par accepter de vous faire plaisir, au moins une fois par jour et voyez la conséquence !
Une fois que vous aurez passé le pas de la guérison, une fois que vous aurez choisi en pleine conscience de vivre, chaque jour sera meilleur.
Si vous êtes parvenu(e)s à vous restreindre à ce point, c’est que vous avez une volonté sans pareil. Parce que oui, la volonté joue dans l’anorexie. Mais ne soyez plus la victime de cette force, de cette volonté. Inversez sa tendance et transformez la en désir de vie. Trouvez les forces qui vous restent, puisqu’elles sont là, au fond de vous. Plus vous les laisserez s’exprimer, plus elles seront dynamiques. Vous serez alors fier(e)s de vous, pour les bonnes raisons.
Vous avez droit au bonheur.
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