J’ai 34 ans et je suis médecin. Ma spécialité est l’anatomie pathologique (spécialité s’exerçant en laboratoire qui consiste à examiner des fragments humains à l’œil nu et au microscope pour faire des diagnostics de maladie comme le cancer par exemple).
Avant de me marier et de devenir maman, j’ai longtemps souffert d’anorexie.
A 15 ans, j’ai cherché à perdre quelques kilos pensant que ça m’aiderait à plaire aux garçons. J’étais loin d’être en surpoids mais je n’étais pas la fille la plus populaire du lycée et ça me peinait beaucoup. Je me suis donc focalisée sur le fait de faire un régime. J’ai alors découvert la méthode Weight Watchers. J’ai rapidement perdu du poids et ça m’a réjouie. J’ai donc continué avec une grande assiduité. J’ai perdu très vite et mes parents se sont inquiétés et m’ont emmenée consulter une endocrinologue. Elle m’a alors posé un ultimatum : prendre X kilos en X temps sinon j’allais être hospitalisée.
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Devant cette peur d’aller à l’hôpital, j’ai tant bien que mal repris ces kilos et j’ai pu retrouver un poids limite normal qui m’a permis de finir ma scolarité, passer mon bac et rentrer en fac de médecine.
J’ai alors quitté la maison de mes parents pour avoir un appartement dans la ville où se trouvait la fac. J’ai plutôt bien géré les premières années. J’avais toujours des pensées anorexiques de contrôle mais je ne perdais pas de poids et j’arrivais à faire tout ce que je voulais entreprendre.
J’ai ensuite eu une histoire amoureuse assez longue qui s’est mal terminée et à la suite de cette rupture, j’ai recommencé à me restreindre.
Je refuse les soins pour continuer mes études, je fais du sport à outrance, les années passent avec des comportements malsains…
Puis je me mets en couple avec mon futur mari.
Je savais que j’avais un problème, mais je préférais (me) dire que j’étais une personne qui faisait attention à son alimentation.
A 29 ans, on a voulu un enfant.
J’étais sous pilule depuis l’anorexie de mon adolescence car les médecins me l’avaient donnée pour protéger mes os (eh oui sans œstrogènes, on fait de l’ostéoporose).
Suite à l’arrêt de cette pilule, je n’ai pas eu mes règles. Pendant 2 ans, on a attendu (car j’avais appris qu’il fallait 2 ans de rapports non protégés pour demander une PMA, cela a changé maintenant).
Au bout de ces 2 ans, on a commencé le parcours et il s’en est suivi un bilan complet avec échographie et prises de sang pour moi et aussi pour mon mari qui a dû réaliser plusieurs spermogrammes.
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Le bilan de tout ça, c’est que j’avais un endomètre très fin, impropre à l’implantation d’un embryon.
2 ans sans pilule, j’étais devenue comme une femme ménopausée.
J’ai d’ailleurs développé de l’ostéoporose et fait plusieurs fractures pour des traumatismes mineurs et j’ai du prendre un traitement hormonal comme celui qu’on donne aux femmes ménopausées pour épaissir mon endomètre.
En parallèle à tout ça, la gynécologue m’avait vivement encouragée à prendre quelques kilos pour maximiser les chances de réussite de la PMA.
Au bout de 6 mois de traitement, nous avons pu commencer la stimulation ovarienne. Celle-ci se fait sous forme de piqûres que je me faisais moi-même dans le ventre tous les soirs.
Elle permet le développement des follicules dans les ovaires.
Une surveillance maximale est nécessaire et il faut se rendre au centre hospitalier toutes les 48h avec prises de sang et échographie.
Cette première tentative a été longue (29 jours pour aboutir à mon ovulation) mais a été un succès du premier coup. 36 h après le déclenchement de l’ovulation par piqûre, j’ai eu l’insémination avec le sperme de mon mari et le lendemain on a eu un rapport, conseil pour maximiser les chances de réussite.
Ensuite, ce sont les 15 plus longs jours de toute ma vie pour attendre le fameux test de grossesse et oh joie, positif du premier coup. Je n’y croyais pas !! Un miracle, on a pleuré !!
Ma grossesse n’a pas été trop difficile mais j’étais tout le temps angoissée de la perdre et de faire une fausse couche. J’ai aussi eu une fracture sans traumatisme pendant le deuxième trimestre due à mon ostéoporose et j’étais en arrêt pendant un mois.
Le suivi de grossesse n’a pas été différent d’une autre patiente. Je n’ai par contre jamais parlé d’anorexie avec aucun médecin même si je pense qu’ils devaient se douter de quelque chose. J’avais un utérus contractile si bien que j’avais des contractions dès 5 mois de grossesse mais les médecins étaient rassurants.
Finalement j’ai accouché avant terme à 35 semaines d’aménorrhée (8 mois de grossesse) et aucune cause n’a été retrouvée.
Heureusement ma fille allait bien et avait un poids tout à fait respectable pour un bébé arrivé un mois avant (2.5 kg).
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Je me suis beaucoup culpabilisée car je me disais que je ne donnais pas forcément toutes les chances à mon bébé avec mon comportement alimentaire restrictif. J’ai quand même réussi à faire quelques modifications pour manger plus (qui me paraissent à posteriori mineures) pour le bien de mon bébé. Malgré tout cela, ma fille avait un développement tout à fait normal.
Concernant la prise de poids, j’ai pris le strict minimum (9 kg en 8 mois car j’ai accouché avant terme). Je n’ai pas eu spécialement de souci pendant la grossesse car le ventre rond de femme enceinte attire les compliments et les délicates attentions et je n’ai pas complexé dessus.
Par contre, le souci ça a été après. J’ai reperdu tout très vite voire plus et c’est là que j’ai tiré la sonnette d’alarme et j’ai dit stop. Je suis allée chercher de l’aide avec psy et diététicienne et depuis janvier 2019, je travaille sur ma guérison que j’ai pour moi atteinte à 95 %, encore une petite voix de temps en temps mais je l’envoie balader.
Aujourd’hui j’ai repris le poids que j’avais à 15 ans voire plus, chose qui ne m’étais jamais arrivée depuis cette période-là. On est en projet bébé 2 avec mon mari mais comme je n’ai pas retrouvé encore mes règles et que mon impatience est trop grande j’ai repris les traitements pour préparer mon endomètre et faire une PMA à la fin de l’année peut-être.
Ma fille a 2 ans maintenant et se porte très bien. Elle a rattrapé le petit déficit pondéral qu’elle avait à la naissance dû à sa prématurité et est dans la moyenne haute.
Je l’allaite encore à 2 ans….On est les parents les plus heureux du monde. Sans elle, je pense que je n’aurais pas eu le déclic…
Merci pour votre témoignage, ça me donne espoir….. anorexie restrictive avec une chronicité de plus de 15ans et une forte rechute il y a quatre ans. Vous lire m’encourage dans ce long chemin de la guérison ou plutôt du mieux vivre. 🌹 Bonne continuation à vous et encore merci