Bonjour Nicolas,
Vous êtes le Chef Chocolatier de la Maison du Chocolat, une enseigne prestigieuse qui comme son nom l’indique propose une offre de chocolats, confiseries & créations chocolatées, …
Pouvez-vous nous dire d’où vous est venue cette passion pour le chocolat ?
J’ai grandi dans l’univers de la gastronomie. Mon oncle était cuisinier, et j’ai baigné dans l’univers de la gastronomie toute ma vie. J’étais naturellement plus attiré par le sucré que par le salé. La question de choisir mon métier était une vocation.
Je fais partie des rares qui ont su très jeunes ce qu’ils voulaient faire et j’ai conscience que c’est une chance.
Je reste persuadé qu’on peut tous exceller dans quelque chose, le plus difficile étant bien sûr de le trouver.
J’ai suivi ma formation de pâtissier dans ma région d’origine, la Bretagne. C’est là que j’ai découvert toutes les possibilités créatives qu’offre le chocolat : des gâteaux, des ganaches, des créations esthétiques, …
A l’issue de mes études, je voulais travailler chez un chocolatier de ma région, mais il n’avait pas de place et il m’a mis en relation avec La Maison du Chocolat dont j’ignorais l’existence !
C’était au mois de décembre, une période de l’année où il y a beaucoup de travail. Ils m’ont rappelé 15 jours plus tard, et je me suis retrouvé propulsé dans une grosse structure, ce qui a été le saut dans un autre monde.
Robert Linxe, le fondateur de la Maison était toujours là. J’ai découvert que les chefs pouvaient être médiatisés. Il avait déjà une vision très moderne du métier de chocolatier, et voulait proposer des chocolats dédiés aux adultes, plus raffinés.
A l’époque, le chocolat se vendait principalement à Pâques & à Noël, et Robert Linxe a été précurseur dans l’idée qu’on pouvait démocratiser le chocolat et créer des boutiques haut de gamme spécialisées dans le chocolat. Il m’a sensibilisé au savoir-faire haut de gamme et au goût, il a décelé en moi des capacités que je ne décelais même pas
Je suis arrivé en 1996. En 2000, j’étais sur le point de partir, mais il m’a proposé de prendre la tête d’un nouvel atelier de Nanterre, dédié au décor, et aux pièces commerciales et artistiques. J’avais 26 ans, il me donnait carte blanche pour mettre cela en place, avec un adjoint et toute une équipe.
Puis j’ai commencé à faire des concours, et je suis devenu Meilleur Ouvrier de France en 2007.
Donc après la partie artistique, Robert Linxe m’a confié la réalisation des recettes.
Donc pour en revenir à la question initiale, ma passion pour le chocolat n’a fait que grandir au fil de mon apprentissage !
Est-ce que ça s’apprend d’aimer le chocolat ?
Le chocolat, tout le monde l’aime pour différentes raisons.
J’ai lu que
9 personnes sur 10 aiment le chocolat, la 10ème ment »
et je pense que c’est vrai ! (rires !)
Chaque « mangeur » est différent. Certains vont le déguster de façon très élitiste, d’autres de façon gourmande.
Le chocolat, on le mange quand on est mal & qu’on a le blues, quand on est heureux ou pour fêter un évènement. Le chocolat se prête à tous les contextes, à toutes les humeurs.
Comme pour tous les aliments, la notion de « bon » chocolat reste très subjective.
Il faut savoir qu’il y a un nombre d’arômes quasiment illimités en matière de chocolat, des fruités, des boisés, des plus amers, des épicés, …
Quand on n’y connait rien au chocolat, je recommande des chocolats très consensuels, plutôt doux, ronds & équilibrés.
Dans mon travail au quotidien, j’ai une dégustation très intellectuelle où je parle de début de bouche, milieu de bouche et fin de bouche.
Je croque, j’ai une première sensation, c’est le début de bouche.
Je laisse fondre, c’est la deuxième sensation, entre la langue et le palais, c’est le milieu de bouche.
La dernière sensation, après avoir avalé, c’est la fin de bouche : est-ce que le chocolat a disparu ou est-ce que je garde un goût en bouche ?
Dans mon travail, je m’évertue à trouver des assemblages qui vont permettre de séquencer des goûts. Par exemple, si je fais une ganache à la framboise, je vais utiliser un chocolat d’Equateur très végétal, un Madagascar plus fruité et un dernier plus fort qui va booster le goût.
Dans cette ganache à la framboise, vous trouverez ainsi différentes intensités tout au long de la dégustation.
Mais à la maison, je vais goûter ce chocolat dans mon canapé avec la simple question :
Est-ce que je me régale ou pas ?
Dans la plupart des cas, soyons honnête, on aime le chocolat plus par gourmandise que par expérience intellectuelle.
Que pensez-vous des injonctions qui nous poussent à penser que le chocolat est trop gras, trop sucré, ferait grossir, n’est pas bon pour la santé ?
D’une façon générale, je trouve dommage de s’interdire à manger certaines choses. La gourmandise contribue au bien-être de chacun avec ses effets antidépresseurs.
Concernant le chocolat noir, on dit souvent qu’il faut choisir des pourcentages élevés parce qu’ils sont meilleurs « pour la santé ».
Sauf qu’un chocolat fort en pourcentage est difficile au goût, et vous risquez de perdre les typicités aromatiques des grands crus de cacao, qui se révèlent pour des chocolats entre 60 et 70 %.
A force de retirer les sucres et matières grasses, on en perd toutes les subtilités ainsi que les notes florales, boisées.
Ce qu’il faut avoir en tête, c’est qu’en matière de chocolat, le sucre n’a pas vocation à sucrer mais à être un exhausteur de goût !!! Attention à ne pas mener les mauvais combats.
Vos créations incitent au voyage. Hors période COVID, avez-vous le temps de voyager et en quoi ces voyages vous inspirent au quotidien ?
En effet, avant la covid, je me déplaçais régulièrement, et pour 2 styles de voyages très différents :
- soit avec mes rangers & ma casquette, pour me rendre dans les plantations en République Dominicaine, au Brésil, en Madagascar, à sélectionner des fèves de cacao, ce qui permet de découvrir de nouvelles matières premières,
- soit avec mes costumes à faire des journées presse, à New York, Hong-Kong, Tokyo, ce qui me permet au passage d’être au contact des clients et de découvrir de nouvelles cultures.
Le grand écart !!!
Au fur & à mesure de mes déplacements, je me construis une bibliothèque virtuelle de goût et réfléchir aux futures collections, voire des collections spécifiques à chaque pays, comme un praliné à la grain de courge pour Halloween pour les américain, ou une ganache à la fleur de cerisier pour la fête des cerisiers au Japon.
Je n’ai pas voyagé depuis un an, donc pour l’instant je pioche dans mes réserves ! Mais je réalise aussi que nous avons des ressources extraordinaires en France ! La semaine dernière, j’ai fait la rencontre d’un producteur d’épices qui se produit uniquement sur des cultures française, et qui m’a présenté du poivre cultivé dans le Gers, du gingembre en Provence, … aux goûts vraiment épatants !
Comment répondez-vous justement aux problématiques environnementales ?
Le premier sujet est qu’il faut être transparent et lucide : nous n’avons pas, en France, le climat pour produire du cacao.
Le cacao pousse à 20° de latitude du Nord au Sud de l’Equateur.
Je travaille avec des agronomes dont la mission est de sélectionner les fèves de cacao qui ont les spécificités que je cherche : fruitées, boisées, acidulées, …, qui me manquent dans mon panel aromatique (je suis comme un parfumeur !).
Je ne les rejoins sur place que quand ils ont trouvé ce que je recherche.
Parmi nos actions en matière de Responsabilité Sociale d’Entreprise, nous travaillons dans ces pays avec des petits producteurs qu’on aide à obtenir des labels, tels que les certifications type Bcorp (une certification octroyée à des structures répondant à des exigences sociétales et environnementales, de gouvernance ainsi que de transparence envers le public.)
Parmi mes autres engagements, il y a le sujet sensible du travail des enfants. Il y a beaucoup de polémiques sur les enfants dans les plantations dans les cacaotiers, et j’étais au départ assez mal à l’aise avec des journalistes qui pourraient me demander si les plantations avec lesquelles je travaille n’exploitent pas les enfants.
La première fois que je suis arrivé à Madagascar, j’ai appris que dans les campagnes, seuls 50% des enfants sont scolarisés, les autres travaillent. Leur priorité n°1 est de savoir ce qu’ils vont manger demain.
Donc, on a mis en place avec nos sourceurs des critères qui permettent de proposer des primes supplémentaires dans les campagnes où les enfants sont à l’école.
Vous associez souvent votre métier aux émotions, pouvez-vous nous parler d’un souvenir gustatif particulier ?
Je pense tout de suite à mon enfance. Ma mère me faisait un goûter à base de tartines de baguette grillée sur laquelle elle ajoutait des carrés de chocolat qu’elle passait au four. C’est un souvenir qui reste ancré et que je reproduis pour mon fils .
Quel chocolat conseillez-vous pour un simple gâteau au chocolat maison ? Et comment éviter de le faire brûler ?
Pour un gâteau au chocolat, je conseille d’utiliser des tablettes entre 65 à 70 % de cacao, et de le faire fondre au bain marie, pour être sûr qu’il ne brûlera pas.
Qu’est-ce qu’on trouve à votre table du petit déjeuner ?
Du thé, un jus de carotte-citron-gingembre, une tartine de pain grillé avec du beurre salé et un morceau de chocolat
Dans votre verre à l’apéro ?
Une coupe de champagne.
Le plat qui vous fait saliver ?
Un plateau de fruits de mer.
Votre dessert d’anniversaire ?
Je suis né le 4 janvier, j’ai donc droit à la galette des rois !
A quoi ressemble le menu du dimanche midi chez vous ?
Des noix de saint jacques, juste un aller/retour dans la poêle avec du beurre de cacao, servies avec une julienne de carottes et de courgettes.
Qui à votre table idéale ?
Pierre Niney, je serais curieux de le rencontrer, sinon les personnes qui me font du bien et me font rire. Il faut surtout des personnalités différentes !
Un dessert très simple mais complet avec les ingrédients du placard pour ceux qui n’aiment pas ou ne savent pas cuisiner ?
Un chia au lait de noisette ! Il suffit de faire chauffer le lait de noisette et d’y faire cuire les graines de chia, comme un riz au lait !
Pour 6 personnes
Temps de préparation : 20 minutes
Temps de cuisson : 20 minutes
Ingrédients
- 200 g de chocolat Noir (on conseille 100 g de tablette Noir Robuste 74% et 100 g de tablette Noir Equilibré 66%)
- 5 œufs
- 180 g de beurre doux
- 10 g d’extrait de vanille liquide
- 200 g de sucre glace
- 1 pincée de sel (facultatif)
- 20 g de sucre semoule
- 100 g de farine blanche type 45
- 75 g de poudre d’amandes
La recette
- Beurrez un moule à cake de 25 cm de longueur et réserver au frais.
- Cassez les chocolats en petits morceaux avec le beurre dans un saladier et mettre à fondre au bain-marie à feu doux.
- Clarifier les œufs en séparant les jaunes et les blancs. Réserver les blancs dans un grand bol.
- Lorsque le chocolat est fondu, ajouter dans l’ordre les jaunes d’œufs, la vanille, le sucre glace et la poudre d’amandes. Hors du feu ajouter alors la farine.
- Préchauffez votre four à 170°c pour un four à chaleur tournante ou 190° pour un four à chaleur statique.
- Fouettez les blancs en neige ferme avec le sel, puis ajouter en trois fois le sucre semoule tout en fouettant afin de les raffermir.
- Incorporer intimement à la spatule les blancs d’œufs à la préparation chocolat.
- Lorsque la pâte est homogène arrêter de mélanger.
- Farinez le moule préalablement beurré et verser la pâte à cake.
- Cuire au four 20 minutes pour le four à chaleur tournante et 30 minutes pour le four à chaleur statique.
- Vérifiez la cuisson en introduisant la lame d’un couteau dans le cake, elle doit ressortir propre lorsque celui-ci est cuit.
- Sortez le cake du four et retournez-le dans un plat. Laissez-le tiédir avant la dégustation.
Le conseil de Nicolas
Ce gâteau se conservera 3 jours à température ambiante à condition d’être protégé par un film plastique.
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