Pendant des décennies, j’ai lutté en silence contre un trouble alimentaire qui s’est transformé et a changé au fil du temps. Je suis passée par toutes les phases, qui s’enchainaient les unes après les autres : corps amaigri ou en surpoids, des comportements alimentaires désordonnés et une oscillation entre la faim, les purges, l’exercice obsessionnel, les compulsions, et le retour à la restriction.
Evidemment, j’ai vécu des années obsédée par la nourriture, mais plus encore par l’image que je renvoyais. Persuadée que les médias diffusaient la bonne parole : pour être « valable », « parfaite », « forte », il fallait être filiforme, c’était ça la normale, alors que les troubles alimentaires était simplement un caprice de jeune adolescente paumée.
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Vivre remplie de honte
J’ai porté la honte de mes troubles alimentaires bien au-delà de ce jeune âge. Jeune adulte puis jeune maman, ils étaient là, bien présents. Je n’étais pas maigre, je souffrais, mais j’estimais ne pas avoir les symptômes. Mes proches considéraient mon poids comme l’indication de ma guérison, en supposant que j’allais « mieux » chaque fois que mon poids montait vers le poids « cible ». Ce qu’ils ignoraient, c’était l’effort inconsidérable, l’anxiété, les comportement dysfonctionnels que je devais mettre en place pour maintenir ce poids.
La guérison est un chemin rempli de défis terrifiants. Il faut énormément de courage, de détermination et de cran pour choisir la guérison plutôt que l’option la plus facile à court terme, à savoir sombrer dans le trouble alimentaire ou le maintenir.
Soyons honnête une bonne fois pour toute, et j’espère que vous serez très nombreux à être soulagés de lire ça :
la vérité est que TOUTES les formes de troubles alimentaires sont basées sur des restrictions.
Que l’on souffre d’anorexie, de boulimie, d’orthorexie, d’hyperphagie, que l’on soit en dénutrition ou en obésité, toutes nos difficultés sont le résultat de la restriction.
Lorsque nous cessons de faire confiance à notre propre corps et que nous nous concentrons sur la négation et la réduction de celui-ci, nous perdons le lien avec notre véritable être. Nous ignorons nos besoins instinctifs et nous refusons de prendre soin de nous-mêmes au niveau le plus élémentaire : la nourriture.
Dans notre tentative de contrôler notre corps, beaucoup d’entre nous perdent en fait le contrôle, s’enfonçant dans un endroit très sombre, effrayant et solitaire. Nous focalisons notre « guérison » sur l’idée qu’il nous faut atteindre et maintenir un « poids cible sain » au lieu de nous concentrer sur la recherche de la paix et de la liberté par la nourriture.
Cette pseudo-guérison n’est toujours qu’une petite parenthèse instable qui comme un funambule attend le moindre tremblement pour s’effondrer. Je le sais, parce que je suis revenue encore et encore au désordre à chaque fois que j’ai connu les hauts et les bas de la vie.
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Ton meilleur médicament est ce qui te fait le plus souffrir
Les troubles alimentaires sont des maladies qui nécessitent de prendre comme traitement ce qui te fait le plus de mal.
Pour fonctionner de manière optimale, notre cerveau et nos organes ont besoin d’être nourris.
Tout comme un antibiotique qui doit être pris régulièrement jusqu’à la disparition complète de l’infection, la nourriture est le médicament nécessaire pour guérir.
Pour quelqu’un qui est coincé dans les affres d’un trouble alimentaire, la chose même qui le terrifie le plus est la chose qu’il doit consommer pour aller mieux. Encore et encore, il faut manger de la nourriture pour guérir.
Apprendre à laisser entrer la nourriture SANS jugement est la clé pour atteindre et maintenir la guérison de toute personne, quelle que soit sa morphologie.
Une véritable guérison exige de s’affranchir de toutes les règles alimentaires qu’on s’est fixée (souvent, les personnes malades tombent facilement dans les pièges des régimes végétariens, sans sucre, sans gluten, sans sans sans, …), s’autoriser toutes sortes d’aliments et de nourrir son corps de manière constante dans le temps, quelle que soit sa forme ou sa taille.
Rompre avec les habitudes et les rituels liés à la nourriture peut vous sembler aussi accablant que de faire un discours, dans une langue que vous venez d’apprendre, alors que vous êtes nu et devant 5 000 personnes.
Vous voulez m’aider ? Arrêtez de commenter !
Souligner les changements dans les habitudes alimentaires d’une personne (surtout si elle mange plus) ne fait qu’amplifier la difficulté.
Même les commentaires destinés à encourager une personne en convalescence (par exemple : « Bravo ! Tu as bien mangé !« ) peuvent être mal interprétés (« wahoo, tu as mangé TOUT ça ?!« ).
N’oubliez pas : vous ne pouvez pas déterminer l’état de santé d’une personne seulement par son poids.
Autre point important : mon corps et la nourriture de mon assiette ne regardent que moi. Point final.
Alors, par pitié, faites un commentaire sur la taille de mon cœur, pas sur la taille de mon pantalon. Concentrez-vous sur ce qui se trouve dans mon âme, pas dans mon assiette. Présentez-vous de façon authentique et nous pourrons nous connecter autour d’un repas avec une conversation intéressante. Et merci de ne pas faire de commentaires sur mon corps ou mon assiette.
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Beau témoignage!
Merci Lucie pour cet intéressant, lucide et profond témoignage au cœur de votre vécu vers la guérison. A la racine du mot Courage, il y a le mot Cœur et je pense que toutes les personnes en souffrance ont beaucoup de Cœur, de Sensibilité et un Grand Courage pour faire face aux Peurs et Angoisses engendrées par la maladie.