Il y a 4 ans, on m’a ouvert les yeux sur mon anorexie. Aujourd’hui, je lutte contre l’hyperphagie.
Que s’est-il passé pour que je passe de 200 à 8000 calories par jour ? Rien, si ce n’est que j’ai fermé les yeux sur un des éléments les plus importants dans la lutte contre les TCA.
Cet élément, c’est le soutien médical, familial et amical.
J’avais toujours cru que si j’étais tombée dans l’anorexie, c’était de ma faute. Me croyant coupable, je n’avais pas voulu me faire aider. Je m’étais obligée de sortir de là seule, je m’en croyais capable.
Les kilos repris, je pensais être guérie, mais j’avais oublié que les TCA étaient une maladie mentale et je suis donc tombée dans l’hyperphagie. A cause de ce trouble, j’ai commencé à avoir honte : honte de mon comportement, de ma mentalité et de mon instabilité émotionnelle.
Ces sentiments de culpabilité et de honte ont engendré de la solitude et de la haine. Je me sentais terriblement seule et j’en voulais énormément à mon entourage de ne rien remarquer.
Et puis j’ai touché le fond : je suis arrivée à un stade où il n’y avait plus une seule journée qui ne passait sans qu’une larme ne coule.
Alors j’ai compris qu’il était temps que j’appelle à l’aide.
Je me suis rendue compte qu’en 3 ans, lutter seule ne m’avait apporté rien de bon si ce n’est un autre trouble alimentaire et tout ce qui va avec…
J’ai donc pris mon courage à deux mains: j’ai commencé par en parler à mes amis, ensuite à ma famille et pour finir je me suis enfin retrouvée en face de médecins.
Chaque discussion me demandait d’avantage d’efforts car je n’arrivais pas à mettre de mots ni sur mon comportement ni sur mes pensées. J’avais peur que l’on me catégorise et me stigmatise. J’avais peur d’être incomprise. Aujourd’hui, parler est ma bouée de secours, celle que je me jette à moi-même lorsque je sens que je vais couler sous mes larmes.
Si je vous raconte tout ça, ce n’est pas pour parler de ma lutte mais d’un obstacle auquel la majorité d’entre nous faisons sûrement face: la peur de parler.
Cette peur je la traverse encore souvent : j’ai peur qu’on me juge, qu’on ai pitié de moi et qu’on me regarde de travers à chaque bouchée. J’ai peur qu’on me pose trop de questions ou qu’on me fasse une remarque qui va plus m’énerver qu’autre chose. Pour être tout à fait honnête, tout cela est déjà arrivé. Pourtant il faut se rendre à l’évidence, ces petits ‘détails’ sont incomparables par rapport aux bienfaits que le soutien m’a apportés. Alors aujourd’hui, je sais que si je veux sortir de ce cercle vicieux, il faut que je parle.
On ne nous demande pas de parler à 10 personnes mais d’essayer de s’entourer des bonnes personnes,
celles en qui on a confiance et qui ont un regard bienveillant sur nous, que ce soit notre médecin, meilleur(e) ami(e) ou un membre de notre famille. On ne nous demande pas d’en parler tous les jours mais d’oser se livrer lorsqu’on a envie de tout abandonner. On ne nous demande pas non plus de tout déballer d’un seul coup mais d’oser briser la peur et la honte petit à petit.
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Aujourd’hui, je continue à lutter: il y a ces jours où j’ai envie de tout plaquer et d’autres où binger me semble loin de la réalité. Mais la différence après un an de soutien est énorme.
Je me sens comprise grâce à mes médecins et moins seule grâce à mon entourage.
Ces personnes me donnent d’avantage envie de ne pas abandonner. Elles m’écoutent et m’aident à ouvrir les yeux sur les petits bonheurs de la vie, des bonheurs que je n’ai pas vus durant 3 ans, aveuglée par la solitude et la honte. Ces personnes me rappellent également ma valeur lorsque je pense être définie par les TCA.
Je ne vous dis pas que parler est facile et je ne vous promets pas que ce soit la solution miracle. Il m’arrive d’avoir des discussions qui m’agacent, d’autres qui me font rire ou encore qui me font pleurer. Toutes sont différentes aussi bien en terme de contenu que de durée mais pourtant toutes ont le même effet : elles me rappellent que je ne suis pas seule et m’ouvrent les yeux sur le chemin parcouru depuis bientôt 5 ans.
Alors si vous aussi vous traversez cette peur, rappelez vous que parler, c’est déjà un pas de plus vers la victoire.
C’est même déjà une victoire en soit.
Et puis, dans quelques années, on se remerciera d’avoir eu du cœur et un mental de résistant.
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Coucou Juliette et Feeleat !
Merci à vous deux pour cette belle transmission… je suis sincèrement restée bouche bée à la fin de l’article…!
Il est si fort et si vrai en même temps.
Personnellement, je me retrouve dans tes écrits et ton parcours, Juliette.
Comme toi, j’ai cru pouvoir en sortir seule, car j’avais avant tout honte d’en parler, peur de ce qu’on allait me dire, peur que les gens me posent des questions, ne me voient plus comme avant ou me bouffent tout mon oxygène en s’inquiétant bien trop et en voulant bien trop m’aider.
La seule personne qui a été très vite au courant, c’est mon conjoint. Mais cela n’a pas suffit, et je suis passée finalement passée de la boulimie à l’hyperphagie.
Aujourd’hui, mon hyperphagie s’est beaucoup atténuée, notamment grâce à mes divers accompagnements médicaux et non médicaux. Malgré tout, la communication avec ma famille et les gens qui m’entourent est toujours très compliquée, voire absente.
Je sais, je sens que j’aurais besoin de dépasser mes peurs pour m’ouvrir enfin avec honnêteté aux autres et libérer toutes ces émotions et ce poids que je porte seule sur mes épaules.
Peut-être que c’est ce qui me manque aussi pour guérir et vivre pleinement ma vie…
En tout cas, un grand merci à toi et à Feeleat de rappeler l’importance de tout cela dans notre parcours de guérison et de, quelque part, accompagner mes réflexions personnelles.
Je te souhaite pleins de belles choses.
Orianne
Coucou Orianne,
Merci beaucoup pour ton partage! Comme tu le dis si bien, ne pas parler est un réel obstacle à la guérison. Il y a quelques jours, je parlais de mes troubles avec l’amie qui m’a ouvert les yeux sur mon anorexie mais à qui je n’ai rien partagé durant 3 ans. On s’est rendu compte que notre relation s’était énormément détériorée pour deux raisons: de son côté, elle ne me comprenait pas, me croyait simplement compliquée et capricieuse et, de mon côté, je lui en voulais de ne rien remarquer. Aujourd’hui, elle est devenue ma plus grande confidente sur le sujet. Si je te raconte ça, c’est pour te montrer que parler est bénéfique pour tout le monde: aussi bien pour toi pour que tu puisses guérir que pour ton entourage pour qu’il puisse mieux comprendre ce que tu traverses (les TCA sont tellement souvent un sujet tabou qu’ils sont souvent mal interprétés). Donc je ne peux faire qu’une chose: t’encourager à dépasser cette peur car avoir un entourage compréhensif, c’est énormément boostant pour lutter (alors que, dans le cas inverse, le sentiment de solitude engendre souvent des crises).
Je te souhaite le meilleur pour la suite.
Merci pour votre touchant témoignage Juliette et votre commentaire Orianne. Je pense que le mot Résistance est vraiment juste pour combattre ces maladies qui contraignent des êtres humains à vivre un véritable enfer et comme vous le soulignez l’accompagnement bienveillant est tellement important . Notre fille est au bout de sa vie, mise chaos par l’anorexie. En tant que parent ceux sont des images insupportables, atroces et pourtant je pense si minimes face à ce que notre fille et toutes les personnes qui souffrent d’un trouble alimentaire vivent au quotidien dans leur esprit, dans leur corps. Il lui reste encore une lumière dans les yeux, une esquisse de sourire qui me porte à continuer d’espérer