J’ai assisté à la naissance de Feeleat. Tels les Britanniques plongés dans l’attente impatiente de la naissance du bébé de Meghan et Harry, je restais postée devant mon feed Instagram à constater chaque jour l’avancée des dernières corrections de l’application.
Mais qu’attendais-je au juste ?
Un nouveau passe-temps, un autre journal digital, ou peut-être une solution miracle. Oui, j’avais hâte de rentrer mes (à l’époque, peu nombreux) repas, de m’imaginer être fière d’avoir toujours moins d’items à enregistrer, d’être satisfaite des encadrés « hyperactivité » venir se coller sous chaque prise alimentaire.
Heureusement, Feeleat n’est sortie qu’après mon entrée en clinique.
Sauf que, me jetant sur l’application pour mieux fuir et de laisser mes plateaux, j’ai rapidement pris conscience de l’effet inverse qu’elle produisait. Au lieu de l’aide miraculeuse qui m’aiderait à augmenter mes apports, devoir décrire ce que je mangeais me rendait plus coupable et honteuse que fière et motivée. C’était au final devenu le défi « note le moins d’éléments ».
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En évoluant sur le plan cognitif et en réorientant peu à peu mes pensées vers un mode de vie plus sain ou l’espoir de la guérison, j’ai hésité à supprimer l’application. J’ai opté pour seulement la délaisser quelque temps. Et puis j’y suis revenue, je me suis cantonnée mécaniquement à prendre en photo les plateaux, noter mes repas, ajouter mes ressentis et mes comportements, en intégrant Feeleat à ma routine. Je n’y accordais plus tellement d’importance, je n’avais qu’un petit espoir que cela m’aide par la suite.
Mais j’ai eu raison.
Au fil des jours, je suis devenue plus assidue. Les photos se sont multipliées, j’ai commencé à noircir l’espace pour les notes, j’ajoutais les collations, les horaires, le descriptif de la journée. Sans trop savoir comment l’application allait m’aider dans le futur, je remarquais déjà ce qu’elle m’avait apporté. Elle m’a permis de mieux vivre la suppression de l’application qui comptait les calories, en se faisant journal alimentaire moins néfaste. Elle m’a fait observer l’ampleur de certains comportements et émotions : l’hyperactivité récurrente, la honte toujours présente, le fait que je ne prenne pas le temps pour les repas, que je les fuie. Elle permet aussi de retracer mon évolution. Et paradoxalement, comme on ne peut encore supprimer une entrée erronée, elle me force par fierté à manger ce que j’ai noté en amont. Oui, c’est une application qui m’oblige à accepter de manger et de reprendre une vie normale, ainsi que de me mentir à moi-même le moins possible.
Mais je n’aurais pu témoigner des bénéfices de Feeleat avant ma première exposition en repas seule, à La Bonne Heure.
Je me suis retrouvée face à trois buffets, avec la directive de me faire un plateau présentant les apports suffisants, une assiette féculent et un dessert désiré. L’angoisse, la peur, et toutes les pensées de la maladie se sont décuplées alors que je détaillais les ingrédients de chaque plats, scrutait la moindre trace d’huile. Une fois assise, j’observe, agitée, mon assiette à entrée garnie de crudités et de quelques pâtes. Et les repas que j’ai tant pris en photo pour l’application me reviennent en tête, ainsi que les menus. Et je ne peux que constater mon échec. Je rentre ma belle expérience dans Feeleat, et pars.
Une semaine plus tard je réitère l’expérience, au Flunch. Déterminée à moins me noyer, j’aborde les buffets avec plus de sérénité mais surtout, je pense déjà à ce que je noterai sur mon téléphone. Je me sers, j’organise mes plats, la nourriture dans les assiettes, je prends en photo et je compare avec mes plateaux de la clinique.
Cette histoire d’exposition m’a montré que tous les bénéfices de l’application se révèleront une fois que je serai sortie et que je devrais faire seule mes repas.
En vrai support de comparaison, elle écarte notre vision faussée des quantités et des mesures en y supplantant des images concrètes d’assiettes prises en photo, que l’on peut ainsi viser à reproduire lorsqu’on se sent perdu. Et évidemment, pouvoir retracer le fil des jours, des repas et des émotions nous montre notre évolution, quand bien même on ne la suspectait pas.
Dorénavant, je crois aux bénéfices de Feeleat.
Je suis persuadée qu’en s’y astreignant chaque jour, sérieusement et honnêtement, elle peut nous aider. Accepter de guérir est tout d’abord accepter de se renourrir, dans des quantités normales, en espérant que l’angoisse et la honte disparaissent peu à peu. C’est aussi maintenir les efforts sur le long terme, sans jamais régresser. Et l’application peut nous y conduire.
C’est un projet que j’ai vu grandir, que je soutenais au plus profond de moi, et je suis heureuse de pouvoir maintenant m’en servir, de plus ne plus efficacement. Alors je souhaitais féliciter Morgane, et tout le travail sans relâche qu’elle a fourni afin de créer une plateforme qui va aider de nombreuses personnes.
Merci Naomi de votre partage sur l’application, du comment vous l’avez abordé ainsi que de l’aide qu’elle vous apporte dans votre parcours de soin. Merci pour votre message d’espoir