Bonjour Docteur Beaulieu,
Vous êtes médecin, spécialisé dans le traitement des maladies du sommeil.
Quelle relation il y a-t-il entre sommeil et nutrition ?
Ce n’est plus à démontrer, il existe des liens étroits entre sommeil et nutrition. Au-delà de composantes psychologiques, ils sont aussi basés sur des éléments physiologiques, neuro-biologiques.
Des études menées chez l’animal ont, par exemple, montré que le volume et la nature des repas vont influencer la durée et la structure du sommeil. Un régime riche semble ainsi augmenter la durée totale du sommeil (qu’il s’agisse du sommeil lent profond ou du sommeil paradoxal) alors qu’à l’inverse une dénutrition expérimentale va la réduire.
Toujours chez l’animal, des études ont également montré l’influence de la «nature» de la prise alimentaire sur le sommeil.
Un régime enrichi en acides aminés, c’est à dire composé d’oeufs, de lait, de poissons gras, de viande augmente la quantité de sommeil paradoxal, alors qu’un enrichissement en sucres, notamment lents tels que de féculents augmentera plutôt le sommeil à ondes lentes, c’est à dire du sommeil profond.
Tout ça peut paraitre un peu scientifique, mais cette influence de la composition du repas sur le sommeil a été retrouvée chez l’homme notamment dans le cadre d’une étude menée chez le sportif.
Par exemple, un régime presque exclusivement « lipido-protidique », composé de viandes, poissons et oeufs, augmentait la durée du sommeil paradoxal, alors qu’un régime hyperglucidique, composé de féculents, augmentait le sommeil à ondes lentes.
On a remarqué aussi qu’en cas de dénutrition notamment, l’ingestion de protéines semble aider à une amélioration des performances même en cas de fatigue.
Pourquoi est-ce que la plupart des personnes qui souffrent de troubles alimentaires souffrent également de troubles du sommeil ?
On voit des troubles du sommeil aussi bien chez les personnes dénutries qui souffrent d’anorexie, et chez celles dont la pathologie associe hyperphagie et obésité. En effet, surcharge pondérale et sommeil sont aussi intimement liés.
Plusieurs facteurs viennent expliquer ce phénomène.
Sur le plan biologique, nous l’avons vu, une dénutrition semble réduire la quantité de sommeil. On sait aussi qu’une diminution trop drastique de la prise calorique du soir peut induire la sécrétion de neuro-médiateurs éveillants : pas de réveil en sursaut pour aller manger, mais un allègement du sommeil qui peut alors s’installer.
Ensuite, au-delà du biologique, des processus psychologiques bien évidemment :
L’anxiété souvent présente se traduit sur le plan cérébral par un état d’hypervigilance qui, en lui même, «bloque la route» du sommeil.
Aussi, l’état «d’hyperéveil» peut être encore renforcé par l’hyperactivité physique, souvent retrouvée chez les patients présentant un TCA.
Enfin en terme de personnalité, les schémas de contrôle, d’exigence souvent présents sont également susceptibles de renforcer, d’entretenir une insomnie qui commence à s’installer. Plus concrètement, il est courant que les personnes qui souffrent de troubles alimentaires soient également des personnes hyper vigilantes, dans un contrôle important. S’endormir symbolise le lâcher prise, et c’est en quoi ces personnes peuvent avoir des difficultés à laisser place à leur inconscient.
Est-ce que le traitement du trouble alimentaire peut aider au rétablissement du trouble du sommeil ?
Même si peu d’études l’ont établi, les patients en témoignent.
On comprend ainsi que le traitement du trouble alimentaire aidera au soulagement du trouble du sommeil qui aura pu apparaitre.
Quand on parle de traitement du trouble alimentaire, il s’agit évidemment, pour ceux qui sont concernés, d’un rétablissement d’un poids santé, de renutrition si besoin ou de restauration d’un poids dans la norme, mais aussi du traitement psychologique de la pathologie.
Cependant si une réelle insomnie chronique s’est installée, on sait qu’une prise en charge spécifique pourra être utile pour «désamorcer» cette problématique sommeil qui aura pu au fil du temps s’autonomiser (même si elle est survenue dans ce contexte alimentaire particulier) et pourrait donc persister même après la guérison du TCA.
Cette prise en charge consiste notamment en quelques séances deThérapie Comportement Cognitive (TCC).
Merci Docteur.
Le Dr Philippe Beaulieu est médecin, diplômé universitaire en Thérapie Comportement Cognitive, et en Hypnose Médicale, spécialisé en Médecine du sommeil et de la vigilance.
Egalement, il est membre de l’Association Française de Thérapie Comportementale et Cognitive (AFTCC), de la Société Française de Recherche et Médecine du Sommeil (SFRMS), et membre fondateur de l’Association pour la Médecine Comportementale (AMC).
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Merci pour cet éclairage scientifique. Quand j’étais au plus bas, je dormais à peine quelques heures malgré une immense fatigue. Mieux je vais, plus je dors… Merci docteur et merci feeleat.
Merci pour ce superbe article. Les apports et les explications du médecin sont très claires et vraiment intéressantes. Je ne doutais pas du lien entre nos repas, les tca et notre sommeil mais j’en suis encore plus conviancue. Avoir un sommeil de qualité est souvent une aide précieuse. Mal dormir ou peu dormir amène souvent à être à fleur de peau et à avoir des « fringales » que nous sommes difficilement capables de gérer du fait de notre tca. C’est un autre type de cercle vicieux qu’il faut essayer d’éviter le plus possible. Je nous souhaite donc de belles nuits pour nous aider dans notre processus de guérison :).
Merci pour cet article. Pour ma part, je dors très bien et j’ai même l’impression d’avoir encore plus besoin de dormir. Je me demande si mon sommeil est vraiment réparateur. Je ne suis pas trop sujette à l’anxiété, cela aide. Merci encore pour cet éclairage